Accompagner les enfants (Ecoute active et bienveillante)

Accompagner les enfants ne signifie pas résoudre leurs problèmes à leur place. Cela veut dire leur fournir des éléments qu’iels soient en mesure de comprendre pour nourrir leur réflexion personnelle, faire évoluer leur point de vue de telles façons qu’iels élaborent par eleux-mêmes leurs propres solutions. Cela implique surtout reconnaître la difficulté de ce qu’iels vivent, leur souffrance émotionnelle, leur droit à l’exprimer et les assister dans l’expression de ce chagrin.

Lorsqu’on agit ainsi on sécurise intérieurement les enfants et on évite, par la suite que, craignant d’être jugé.e.s, rabroué.e.s, iels éprouvent le besoin de créer une perturbation pour avoir le sentiment de maîtriser les réactions de l’adulte plutôt que de courir le risque de poser involontairement un acte qui déclenchera la colère du/de la dit.e adulte sans être en mesure de comprendre ni comment ni pourquoi celle-ci est advenue et d’en être désemparé.e.

Deux exemples.

1. Un enfant de neuf ans qui jouait à un jeu de société «trichait » régulièrement pour gagner et trouvait une grande satisfaction narcissique à être considéré comme « un tricheur » par les autres même s’il devait, par ailleurs, affronter leur colère. Être tricheur, c’est être intelligent, puisque cela signifie que l’on a suffisamment bien compris les règles du jeu pour les manipuler à son avantage. Et il était suffisamment intelligent pour avoir compris cela mais cela ne lui suffisait plus.

Un jour, en seul à seule avec une adulte avec laquelle il se sentait suffisamment en confiance, il a demandé à celle-ci de lui apprendre les règles du jeu (ce qui signifiait une énorme progression dans son comportement puisqu’auparavant il n’osait pas affronter sa peur de paraître « débile » en risquant de montrer qu’il avait du mal à les comprendre ainsi qu'une immense preuve de confiance en l'adulte devant laquelle il montrait sa fragilité). L’adulte a répondu à ses questions, a montré des exemple, joué avec lui en expliquant les raisons de chacune de ses actions et il a alors voulu s’exercer à jouer tout seul. Au bout d’une demi-heure que cet enfant, considéré par ailleurs comme agité, était concentré sur son processus personnel de familiarisation avec les règles de ce jeu, un autre enfant, qui avait le même type de difficulté que lui,et qui était son meilleur ami est arrivé.

Cet enfant voyant son ami en train de jouer seul à ce jeu qu’il appréciait lui aussi a montré sa joie et s’est précipité sur l’autre en lui disant : « tu joues avec moi ? ». Le premier, dérangé dans son cheminement a alors répondu avec agacement : « laisse-moi tranquille ». S’en est suivi une bagarre avec insultes à la clé entre les deux enfants.

L’adulte les a alors séparés lorsqu'ils allaient en arriver aux mains puis elle s’adressa à chaque enfant en s‘accroupissant pour se mettre à leur hauteur.

Au premier elle dit : « tu voulais profiter du fait que tu étais tout seul pour t’exercer, tu étais très concentré et quand ton copain est venu tu n’avais pas envie qu’il te dérange dans ta réflexion ». L’enfant a fait oui de la tête.

Alors, elle s’est adressé à l’autre enfant qui s’était calmé et avait écouté ses paroles : « et toi, quand tu es arrivé tu avais l’air content de voir que ton copain était tout seul et que vous pourriez donc enfin jouer tous les deux tranquillement. Mais voilà, il a refusé et tu n’as pas compris pourquoi, tu t’es senti rejeté » l’enfant a acquiescé en hochant de la tête.

L’adulte se tournant de nouveau vers le premier : « mais toi, en réalité, tu ne le rejetais pas : tu voulais aller jusqu’au bout de ce que tu avais commencé. Alors vous savez moi je ne vois personne qui a tort, personne qui est méchant, je vois deux copains qui ont tous les deux raisons de leur point de vue. Mais qu’est-ce qu’on peut faire pour qu’ils se réconcilient ? »

A ce moment-là, l’adulte a été appelée en urgence pour un autre problème et elle a dû laisser les enfants seuls.

Elle est revenue le plus vite possible anticipant de retrouver une situation encore plus conflictuelle mais les deux enfants étaient en train de jouer calmement comme si rien ne s’était passé.

2. Lors d’une séance de lecture une petite fille empile une vingtaine de livres en attendant son tour, elle défend aux autres enfants d’y toucher tout en continuant d’en accumuler d’autres. Elle s’empare d’un livre qu’une petite fille gardait près d’elle en attendant que la lectrice le lui lise mais la deuxième petite fille reprend le livre dans la pile ce qui provoque une intense crise de larmes, de la première qui s‘allonge par terre pour pleurer. La lectrice, un peu désemparée, hésite mais la première petite fille lui tend son livre et, arbitrairement, elle prend la décision de le lui lire sans pour autant se désintéresser de la première petite fille à qui elle dit : « c’est très dur pour toi, tu trouves ça très injuste mais si tu le veux bien, je te lirai le livre que tu as choisi après. Mais je comprends que tu aies du chagrin et que tu pleures ».

Tout en lisant le livre à la deuxième petite fille, à chaque fois que celle-ci tournait une page, la lectrice lançait un regard empli de compassion et de compréhension à la première qui continuait à pleurer. Lorsque la lecture fut terminée, la seconde petite fille s’est éloignée et la lectrice demanda à la première si elle voulait bien maintenant qu’elle lui lise le livre qu’elle avait choisi. Celle-ci a vivement lâché le livre qu’elle tenait encore dans sa main pour s’emparer du livre lu à l’autre petite fille et en a demandé la lecture. Elle a participé activement à la lecture en faisant de nombreux commentaires. Par la suite, elle a encore fait une vague tentative pour défendre son tas de livre de l’intrusion d’un petit garçon qui n’a pas insisté, puis elle y a renoncé, se rapprochant de la lectrice pour écouter les histoires lues aux autres enfants et se faire lire des livres, se montrant enjouée et très participante.

Ces deux exemples peuvent paraître « miraculeux », mais ce ne sont que deux exemples parmi des dizaines d’autres qui ont été tout aussi « miraculeux » non seulement dans leur dénouement immédiat mais aussi sur le long terme.

Par exemple, des animations artistiques ont été menées avec des enfants considéré.e.s comme « agité.e.s », « violent.e.s », qualifiés d’ « hyperactif.ve.s ». Après des premières séances entièrement consacrées à aider les enfants à se comprendre entre eleux sans porter de jugement sur leurs actes mais en tentant de mettre des mots sur le ressenti de chacun.e (en disant à celui-ci ce qu’on pense qu’il ressent sur un ton interrogatif et bienveillant et en le laissant l’expliciter lui-même s’il éprouve le besoin de contester ce qui a été dit ou de le préciser, et non en l’expliquant à l’autre) on permet à chaque enfant de se sentir rassuré.e sur le fait qu’iel peut être compris.e, que ce qu’iel ressent est légitime et de mieux accepter l’idée que l’autre elui aussi ressent et exprime des souffrances et des frustrations qui elles aussi sont légitimes.

Par la suite non seulement les conflits s‘amenuisent jusqu’à disparaître même dans des situations qui auraient été auparavant susceptibles de les engendrer, mais de plus on constate que les enfants deviennent extrêmement attentionné.e.s entre eleux, reproduisant les un.e.s envers les autres le comportement que l’adulte a eu vis-à-vis d’eleux. Et de "pures petites brutes", considéré.e.s comme "ingérables" se révèlent dans ce contexte des parangons de tact et de délicatesse de façon souvent très inventive et humoristique.

De plus, ils arrivent aussi parfois à gérer leur stress avec des adultes répressif.ve.s qui réveillent leur sentiment d’insécurité intérieure en les dévalorisant et en les punissant, mais cela demande plus de temps.