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Expérience professionnelle (en bibliothèques jeunesse) autour des ateliers de créativité

Photo du rédacteur: alaccordagesalaccordages

Dernière mise à jour : 14 oct. 2021

ATELIERS CREATIFS 2

Lors de la mise en place des ateliers il vaut mieux proposer plusieurs activités, cela même si l’on a un thème principal (ne pas se formaliser si, au départ ce thème n’intéresse qu’un.e ou deux enfants dont on s’occupera cependant en priorité – sans abandonner les autres).

Intervenir le moins possible une fois le modèle (si l’on propose quelque chose à fabriquer qui ne nécessite pas une technique précise comme, par exemple les origamis dont le pliage doit être précis et ne peut être trouvé même en tâtonnant. Veiller aussi à ce que le modèle proposé ne soit pas trop parfait de telle façon que les productions des enfants puissent être plus réussies) et les consignes données.

Le temps passé ensemble doit être un moment de plaisir pour l’adulte afin qu’il le soit aussi pour les enfants que ce plaisir pris en leur compagnie nourrit inconsciemment positivement.

Ce plaisir partagé peut venir de la qualité relationnelle qui s’installe dans le groupe mais aussi, dans l’après coup, de la prise de conscience de ce qui s’est joué dans la résolution des difficultés rencontrées et de ce que cela nous a appris du mode singulier de fonctionnement de chaque enfant : cela nous permet de prendre de l’assurance – au moins pour nous-même – par rapport à notre pratique et secondairement de ne pas se sentir déstabilisé quand celle-ci est attaquée.

C’est un plaisir différent de celui de l’enfant dans le sens où il ne se situe pas dans l’action elle-même mais dans son analyse et dans ce que nous avons appris à travers celle-ci. Cela peut nous amener à effectuer des recherches pour comprendre ce qui s’est passé et ainsi prendre conscience de son intérêt pour l’évolution de notre propre pratique. C’est en quelque sorte un « méta » plaisir.


Importance de :

· L’organisation : du lieu de l’activité et du matériel. Chaque enfant doit pouvoir évoluer dans un endroit sécure avec du matériel personnel adapté à son âge. Le fait que les enfants aient chacun leur propre matériel – ou qu’il y ait du matériel en quantité suffisante réparti de façon à être facilement accessible à chaque enfant – évite bien des causes inutiles - et prévisibles - de frictions.


· Confort : des enfants pendant l’activité. Il est très important pour que chacun prenne du plaisir. En hiver, on peut dire aux enfants qu’ils ont la possibilité - s’ils le veulent- d’enlever leur manteau mais que ce n’est pas obligé : c’est à eux/elles d’évaluer par rapport à leur propre ressenti physique et à leur sentiment de sécurité ce qu’iels se sentent ou non prêts à faire.


· Du plaisir : celuide l’adulte est primordial pour pouvoir le transmettre à l’enfant (tout en respectant, l’envie de l’enfant de faire ou non une activité). Il vaut donc mieux éviter de proposer aux enfants des activités qui nous déplaisent trop. Par contre, le fait d’être un « maître ignorant » ne représente pas un obstacle à proposer une activité car cela permet d’une part aux enfants de trouver leurs propres solutions et à nous, d’autre part, de partager avec eux/elles cette recherche à égalité et en toute simplicité : étant « ignorant.e » on ne sera pas tenté.e d’imposer nos propres compétences ni de décourager la créativité des enfants par la magnificence de nos productions. Cela permet également de ne jamais perdre de vue que quelque chose est « facile » quand on a l’habitude de le faire mais très compliqué quand on le fait pour la première fois ou que l’on a oublié les étapes de son élaboration ou de sa mise en œuvre.


L’observation : l’adulte peut « faire avec » pour aider les enfants (uniquement si ceux/celles-ci le demandent), mais le moins possible « à la place » des enfants (sauf en fin d’atelier pour éviter aux enfants un trop grand sentiment de frustration si leur œuvre est inachevée ).

Souvent les enfants n’attendent pas que l’on ait fini nos explications : s’iels pensent avoir compris, iels se mettent immédiatement à tester leurs propres solutions, quitte à revenir demander un complément d’aide s’iels buttent sur une difficulté.

Rien ne nous oblige, nous, adultes à nous mettre dans la peau du « sachant » qui va résoudre tous les problèmes, il est plus créatif de tâtonner avec l’enfant pour trouver une solution avec lui/elle. Il arrive régulièrement que notre attention suffise à l’enfant pour être capable de venir à bout de ce qui le.la bloquait.


Avant l’activité, il est nécessaire de :


- Avoir réfléchi à ce qu’implique l’activité proposée, anticipé quelques difficultés techniques (même si on ne peut pas savoir à l’avance ce qui va présenter une difficulté pour un.e enfant précis.e, il est important de se mettre le plus possible dans la peau d’un.e novice ) puis préparer et installer le matériel ainsi que l’espace en prévoyant une partie de celui-ci pour les enfants qui ont une envie ou un projet différent. (l’organisation de l’espace doit rester modulable en permanence).

- Favoriser les enfants motivé.e.s par l’activité proposée tout en demeurant disponible aux autres (leur proposer de s’entraider quand on n’est vraiment pas disponible mais souvent les enfants n’ont besoin que d’un petit coup de pouce ou de matériel – d’où l’importance d’avoir toujours celui-ci sous la main – pour repartir satisfait.e.s.)


Accueillir chaleureusement les enfants. Y compris et surtout ceux/celles que l’on sait violent.e.s ou/et perturbateur/trices pour lesquel.le.s il est essentiel de leur renvoyer une image la plus positive possible d’eux/elles-mêmes car c’est la dégradation de cette image qui les a rendu.e.s « à problèmes ».


Proposer l’activité, la présenter et donner les consignes de réalisation. Puis observer de quelle façon iels s’emparent – ou non – de la proposition et les suivre dans leur démarche tout en gardant en background nos objectifs sans jamais les imposer.


Des activités

Pendant l’activité


Veiller toujours au confort et à la sécurité de chacun.e des enfants.

Ce qu’il est important de respecter en observant leur comportement est comment eux/elles se sentent. Une situation peut être considérée comme inconfortable par un.e adulte alors qu’elle convient parfaitement à un.e enfant pour des raisons qui lui sont propres et qui ne regardent que lui/elle. Par exemple, certain.e.s enfants peuvent préférer rester debout ou garder leurs manteaux mêmes quand il fait très chaud.


Les laisser choisir leur place librement et en changer s’iels s’aperçoivent qu’en fin de compte elle ne leur convient pas – et ceci même si l’enfant a au préalable défendu âprement son désir d’occuper cette place. Ses raisons de changer d’avis peuvent être multiples, imprévisibles et inexplicables rationnellement (elles n’en sont pas moins respectables pour autant).

Communiquer avec l’enfant pour le guider et l’encourager, ou bien encore lui témoigner notre intérêt (en exprimant en quoi sa création nous parait inventive[FD1] et non en disant « c’est beau » = éviter les jugements de valeur pour favoriser l’acte créatif pur et l’expression brute, même si celle-ci ne répond pas à nos propres critères artistiques – y compris quand l’œuvre est fortement influencée par la culture dominante (walt dysniais entre autres…).

Observer les réactions et le comportement des enfants afin de prendre conscience de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas pour une prochaine fois.


Après l’activité


- Ranger le matériel sans demander aux enfants de le faire avec nous mais finir par accepter leur aide s’iels nous la proposent en insistant même si elle nous fait perdre du temps (anticiper ce temps de rangement pour déterminer l’heure de la fin de l’atelier ce qui permet aussi de laisser un délai supplémentaire aux enfants pour finaliser leurs productions)

- Eviter de trop valoriser les réalisations des enfants mais on peut signaler ce qu’elles ont d’original pour nous sans chercher à savoir - si l’enfant ne le dit pas de lui-même - ce qu’il a voulu faire => éviter d’interpréter car on se trompe presque à tous les coups et cela peut avoir pour conséquence que soit l’enfant se sente floué.e soit qu’iel va essayer par la suite de reproduire ce qui nous a plu plutôt que d’exprimer ce qu’iel a en lui/elle.

- Remercier les enfants pour le plaisir du temps partagé avec eux/elle (pas forcément en disant « merci » ! = trouver une formule qui exprime un ressenti qui doit toujours être sincère et positif ou ne rien dire en cas contraire !)


Les ateliers évoluent au fil du temps sans que l’on puisse anticiper un délai à cette évolution - celui-ci étant constitutif au cheminement de chaque enfant.

Mais on peut néanmoins considérer qu’une première étape (qui peut durer près d’un trimestre) est celle de la constitution du groupe « atelier » même si ce ne sont pas à chaque fois les mêmes enfants qui le fréquentent.

L’expérience du premier trimestre que j’ai acquise au fil des années peut même être celle d’une très grande hostilité entre les enfants qui provient de leurs conflits non résolus à l’extérieur et qu’un rien peut relancer.

Je consacre donc les ¾ du temps de l’atelier à la résolution sans aucun jugement de valeur des conflits en me focalisant principalement sur les protagonistes de ceux-ci : je les aide à s’expliquer et à comprendre l’origine du conflit sans faire aucun commentaire personnel dans un sens ou dans un autre. (Méthode Thomas Gordon de résolution des conflits sans gagnant.e ni perdant.e cf livres « parents efficaces » et « parents efficaces au quotidien » ou encore « enseignants efficaces »)

Par ailleurs, je suis extrêmement vigilante à utiliser des formules de politesse très sophistiquées quand je demande quoique ce soit à un.e enfant et, par contre, je n’attends de lui/elle aucune réciprocité en retour. Peu m’importe les « bonjour », « au revoir », « s’il te plait », « merci » … Le modèle, c’est moi : les enfants apprennent par imprégnation et au final sont plus « poli.e.s » que ceux/celles auquel la politesse a été imposée de façon « éducative ».

Je ne demande jamais à un.e enfant de rester à l’atelier pour finir ce qu’iel a commencé : c’est lui/elle qui décide jusqu’où iel veut aller, ni ne lui interdit de revenir une fois qu’iel l’a quitté.

Je ne demande jamais aux enfants de ranger l’atelier : je considère que cela fait partie de mon travail au même titre que de le mettre en place. (je dois reconnaître aussi que même si j’accepte toujours l’assistance des enfants qui insistent pour m’aider à la fin des ateliers je n’ai qu’une envie en finir au plus vite avec le rangement… et la présence des enfants.


J’écoute les demandes des enfants concernant le contenu des prochains ateliers et leur dit ce que je me sens ou non capable de leur proposer avec une base minimale. Il est souvent arrivé (mais plutôt vers le troisième trimestre) que les enfants aient une proposition et que nous regardions ensemble le matériel dont je dispose et qu’alors ce soient eux qui trouvent leurs propres solutions.

Au deuxième trimestre, je peux éventuellement proposer des ateliers plus complexes : poésie, haïkus, peinture, terre etc. sur plusieurs séances. Au début, il y a désaffection car les enfants sont déstabilisé.e.s et hésitent à se lancer. Mais il suffit d’un.e ou deux enfants motivé.es pour que peu à peu d’autres suivent et qu’au final, après une période de démoralisation, si l’on ne se décourage pas et surtout si l’on suit la démarche d’appropriation des enfants, le résultat dépasse largement ce que l’on avait anticipé.

La plupart des conflits sont apaisés et si des enfants conflictuel.les ou perturbateur/trices (les « espiègles ») surviennent, ils/elles n’arrivent plus à démobiliser le groupe.

De plus, dans la plupart des cas, les enfants commencent à se montrer extrêmement poli.es et coopératif/ves entre eux/elles.

Certain/es enfants – principalement ceux/celles qui s’étaient montré/es les plus agressif/ves au début commencent à me demander de ranger l’atelier avec moi. Je refuse et alors souvent ils/elles me supplient, je leur explique que le plus pénible pour moi est de ramasser ce qui est tombé par terre et que cela m’aiderait effectivement mais que vraiment je ne le leur demande pas car ce serait abuser de leur gentillesse. Je suis sincère lorsque je dis cela, d’autant plus qu’en fait je cherche plutôt à les décourager car à ce moment-là ma seule envie c’est de prendre une pause pour décompresser. Mais les enfants insistent tellement que j’ai fini par accepter qu’ils/elles m’aident.

A ceux/celles qui le font et qui me demandent s’ils peuvent prendre telle ou telle chose tombée sur le sol, si ce n’est pas un élément essentiel pour la continuation de l’atelier, je la leur laisse emporter (je prévois même de petits sacs pour cela). Je n’ai encore jamais vu que des enfants aient fait tomber volontairement des objets pour les récupérer ensuite. Mais même en pareil cas, il m’aurait toujours été possible de leur expliquer pourquoi je n’aurais pas pu les leur laisser prendre tout en anticipant leur réaction inévitable de frustration sans m’en formaliser ni la trouver illégitime (ce qui n’implique pas nécessairement obtempérer à leur demande)


Vers le troisième trimestre l’atelier se libère totalement : je réponds aux demandes spécifiques des enfants et prévoie des dispositifs en fonction de celles-ci puis installe du matériel en libre disposition pour ceux/celles qui ont des envies plus personnelles ; je reste cependant à leur disposition pour les assister dans leur recherche.


Il demeure que quelle que soit la période de l’année ou l’âge des enfants, tou.te.s veulent être servi.e.s immédiatement, je considère cela comme tout à fait normal car moi aussi, à leur place, j’aurais la même envie pressante et du mal à la contrôler même si – en tant qu’adulte « responsable » je me ferais violence pour avoir l’air « raisonnable ». Je leur explique donc gentiment que j’aimerais bien être capable de faire plusieurs choses en même temps pour les satisfaire mais que vraiment je suis désolée car même si je comprends bien leur frustration et leur impatience, je n’ai pas le pouvoir de répondre à plus d’une demande à la fois. Plus les enfants sont petit.e.s plus je leur explique que je fais le plus vite possible pour m’occuper d’eux/elles. Je vois bien sur le visage des enfants que cela n’enlève en rien ni la frustration ni le sentiment que – étant une adulte toute puissante - je pourrais faire plus, cependant malgré cela soit iels patientent à côté de moi, soit iels s’occupent à autre chose en attendant tout en conservant un œil vigilant pour ne pas laisser passer leur tour !


Je n’instrumentalise pas l’atelier ni l’intérêt que les enfants y portent en en profitant pour leur donner des leçons de « bonne conduite », les « éduquer ». Cependant, je reste très vigilante à l’égard de moi-même pour ne pas m’énerver à leur encontre quand je me sens dépassée, pour être à l’écoute de leurs difficultés relationnelles, ne jamais leur renvoyer une image négative d’eux/elles-mêmes par des propos dévalorisants et s’il m’arrive lorsque je loupe un truc de sortir une grossièreté, je m’excuse d’un « oups, désolée, cela m’a échappé ». Je reconnais mes erreurs ou mes manques sans fausse honte et quand je vois qu’un loupé déçoit trop un.e enfant (par exemple l’un d’entre eux dont je ne suis pas arrivée à fermer le collier qu’il avait recommencé trois fois et dont toutes les perles se sont échappées du fil) je lui exprime ma profonde et sincère compréhension pour sa frustration et reconnaît qu’il a le droit de m’en vouloir. De fait, je me rends compte que s’iel réagit très mal sur le moment, iel revient par la suite à mes ateliers et se montre totalement confiant.e en moi.

A la fin de l’année je constate à chaque fois que les enfants me témoignent la même magnanimité que celle dont j’ai témoigné à leur égard.


…………………………………………………


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